Je me souviens de cette fois où j’ai failli dire oui trop vite. C’était il y a trois ans, dans un open space trop éclairé, face à un recruteur qui venait de me proposer un salaire. Un salaire correct, mais pas à la hauteur de ce que je valais, je le savais au fond de moi. J’ai respiré un bon coup, et j’ai prononcé une phrase. Une seule. Cinq mots, peut-être. Et cette phrase, presque magique, a fait basculer la discussion. Résultat ? 500 euros de plus sur ma fiche de paie, chaque mois, depuis. Aujourd’hui, je vous la partage. Parce que négocier son salaire, ce n’est pas une question d’agressivité ou de culot. C’est une question de préparation, de légitimité, et surtout, de mots. Les bons.

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Le poids des chiffres : pourquoi les femmes négocient moins (et ce que ça coûte)

Commençons par une petite piqûre de rappel, douce-amère. Savez-vous que, selon la dernière étude de l’Apec, seulement 55 % des femmes cadres osent aborder la question du salaire lors d’un entretien d’embauche, contre 61 % des hommes ? Ce n’est qu’un écart de six points, me direz-vous. Sauf que cet écart, il a la vie dure. Il se creuse, année après année, comme une minuscule fuite qui finit par vider un lac. À poste et profil identiques, les hommes cadres gagnent en moyenne 6,9 % de plus que leurs homologues féminins. Un écart qui stagne lamentablement depuis 2015. Pire encore, une étude d’Indeed révèle que près de la moitié des femmes françaises n’ont jamais demandé d’augmentation au cours de leur carrière.

Alors, pourquoi ce silence ? Laurence Dejouany, psychologue, pointe du doigt quelque chose qui résonne en moi : l’éducation. On nous apprend à être de « bonnes élèves », à attendre que notre travail soit récompensé naturellement, comme une bonne note à la fin du trimestre. Sauf que l’entreprise, ce n’est pas l’école. Personne ne va vous tendre une augmentation sur un plateau argenté en disant « Tiens, tu l’as bien mérité ». Il faut la demander. Il faut oser se « vendre », comme le font si naturellement beaucoup d’hommes. Ce n’est pas de l’arrogance, c’est de la juste reconnaissance. C’est un sujet que j’avais déjà effleuré en parlant de ces erreurs financières qui plombent l’avenir des femmes, et force est de constater que la négociation salariale en est une pierre angulaire.

Je vous vois venir : « Mais Émilie, c’est facile à dire ! ». Je sais. La première fois, j’avais les mains moites et la bouche sèche. Le sentiment d’illégitimité est un frein monstre. On se dit qu’on n’a pas assez d’expérience, que le marché est difficile, qu’on va passer pour une personne « difficile ». Et si on inversait la perspective ? Si on voyait cela non pas comme une demande, mais comme une contribution à une discussion professionnelle ? Votre salaire est la traduction concrète de la valeur que l’entreprise vous accorde. En le négociant, vous participez simplement à définir cette valeur ensemble. C’est un dialogue, pas un duel.

  • Le syndrome de l’imposteur : Cette petite voix qui chuchote « Tu n’es pas à ta place ». Il faut l’identifier, la reconnaître, et lui répondre avec des preuves tangibles : vos compétences, vos réussites.
  • Le manque d’information : On négocie souvent dans le flou. Combien gagne un profil similaire sur Glassdoor ou LinkedIn ? La transparence est votre meilleure alliée.
  • La peur du conflit : Demander n’est pas agresser. Une négociation bien menée renforce le respect mutuel.

La préparation : votre filet de sécurité avant le grand saut

La clé, la vraie, celle qui change tout, c’est la préparation. On ne se présente pas à un marathon sans s’entraîner, on n’aborde pas une négociation salariale sans avoir fait ses devoirs. Pour moi, ça a commencé par un grand tableau Excel – j’adore les tableaux, c’est ma façon à moi de mettre de l’ordre dans le chaos. J’y ai listé absolument tout : mes années d’expérience, mes formations, mes compétences techniques, mais surtout, mes réussites concrètes. Ce projet que j’ai mené à bien en avance, cette économie de budget que j’ai réalisée, cette nouvelle procédure que j’ai mise en place… Des preuves, pas des impressions.

Ensuite, place à l’étude de marché. C’est là que les plateformes comme Glassdoor, Welcome to the Jungle ou même les études de l’Apec deviennent précieuses. Il ne s’agit pas de copier un chiffre, mais de définir une fourchette réaliste et défendable. Voici un petit tableau que j’avais construit pour m’y retrouver, en m’inspirant des tendances observées :

Années d’expérience Majoration salariale indicative à viser Exemple pour un poste à 40k€ de base
Moins de 7 ans +5% 42 000 €
De 7 à 23 ans +20% 48 000 €
Plus de 23 ans +10% 44 000 €

Bien sûr, ce ne sont que des indicateurs. Chaque entreprise a sa culture. Mais cela donne un cap. L’idée est d’arriver en entretien avec un plancher bien en tête : le salaire en dessous duquel vous ne descendez pas. Ce plancher, c’est votre filet de sécurité psychologique. Il vous évitera de dire « oui » sous le coup de l’émotion ou de la pression. Cette rigueur, je l’applique aussi à mes finances perso, comme quand je vous expliquais comment économiser 5000 euros en 6 mois : un objectif clair change tout.

N’oubliez pas non plus de préparer des réponses aux objections classiques. « Avec l’inflation, les budgets sont serrés » ; « Vous êtes à temps partiel » ; « Vous revenez juste d’une formation ». Anticipez, et préparez vos contre-arguments, toujours basés sur des faits. Reformulez vos atouts : « Je comprends les contraintes budgétaires. Mon expérience sur [projet précis] me permet justement de générer des économies/une productivité qui compensent cet investissement. »

La phrase magique et l’art du timing

Nous y voilà. La fameuse phrase. Celle qui m’a valu 500 euros de plus par mois. Attention, ce n’est pas une formule incantatoire qui fonctionne comme par magie. Son pouvoir réside dans son timing et sa construction. Je l’ai utilisée après que le recruteur a évoqué le salaire, et après avoir posément listé mes arguments. La voici, dans son contexte :

« Je suis vraiment très enthousiaste à l’idée de rejoindre votre équipe et de contribuer à [objectif précis de l’entreprise]. Compte tenu des responsabilités du poste et des résultats que j’ai apportés dans mes expériences précédentes, comme [exemple concret], je me demandais s’il était envisageable d’envisager une fourchette autour de [montant X]. »

Analysons-la ensemble, comme on disséquerait un poème en cours de français. D’abord, elle commence par un enthousiasme sincère. Vous montrez que vous êtes investi.e, pas seulement intéressé.e par l’argent. Ensuite, elle relie directement votre valeur aux besoins du poste. Ce n’est pas « Je veux plus », c’est « Voici pourquoi je peux apporter plus, et donc pourquoi une rémunération ajustée est logique ». Enfin, elle propose une fourchette, pas un ultimatum. Cela laisse de la marge de manœuvre et ouvre la discussion.

Le timing est crucial. N’abordez jamais le sujet en premier. Laissez le recruteur mener la danse. S’il ne le fait pas en fin d’entretien, vous pouvez amorcer en douceur : « Pourriez-vous me donner une indication sur la fourchette salariale prévue pour ce poste ? » Une fois leur proposition sur la table, vous avez toutes les cartes en main pour répliquer avec votre phrase préparée. C’est un peu comme dans une relation, finalement. Il faut savoir écouter et parler au bon moment, comme je le racontais dans cet article sur les attentes dans une relation.

  • Ne parlez pas salaire au premier entretien, sauf si c’est le recruteur qui l’évoque.
  • Attendez le signe que vous êtes le/la candidat.e favori.te : quand l’enthousiasme est palpable.
  • Choisissez un moment où vous avez parlé de vos réussites, pour que votre demande soit appuyée par des preuves fraîches.

Et si le salaire ne bouge pas ? Les autres leviers à actionner

Imaginons le scénario. Vous avez été brillant.e, vous avez sorti votre meilleure phrase, argumenté comme un chef… et la réponse est « Non, le budget est vraiment verrouillé. » Première chose : ne prenez pas cela personnellement. Cela arrive. Mais la négociation n’est pas finie pour autant. C’est ici qu’il faut élargir le champ des possibles. Le salaire n’est que la pointe de l’iceberg, comme aiment à le rappeler les consultantes de l’Apec.

Qu’est-ce qui a de la valeur pour vous, à part les euros ? La qualité de vie, l’équilibre, les perspectives d’avenir… Autant de leviers à actionner. Voici une liste non exhaustive de ce que vous pouvez proposer :

  • Le télétravail : Deux jours par semaine en plus, c’est une économie de transport, de temps, et un gain de sérénité inestimable.
  • Les formations : Une certification payée par l’entreprise, c’est un investissement sur vous qui augmentera votre valeur à moyen terme.
  • Le titre du poste : Passer de « Responsable » à « Directeur/Directrice » peut avoir un impact énorme sur votre CV futur.
  • Les avantages en nature : Voiture de fonction, téléphone, ordinateur portable, tickets restaurant… Tout cela a une valeur monétaire.
  • Une augmentation différée : « Serait-il possible de revoir ma rémunération dans six mois, après une période d’évaluation ? » avec des objectifs clairs.

L’astuce, c’est de montrer que vous êtes flexible et solutionniste. Vous ne vous braquez pas sur un « non », vous cherchez un terrain d’entente. Cette capacité à rebondir est une force qui impressionnera votre interlocuteur. Cela démontre une intelligence relationnelle précieuse. C’est un peu la même philosophie que lorsque l’on cherche à diviser ses dépenses par trois : on cherche des alternatives créatives.

Et si vraiment tout est bloqué ? Demandez simplement : « Qu’est-ce qui explique que ce poste ne soit pas budgété à un niveau plus élevé ? » et « À quel moment pourrons-nous reparler de ce sujet ? ». Cela montre que vous restez professionnel.le et que vous ne laissez pas tomber l’ambition de progresser. Gardez la porte ouverte.

Se former et s’entraîner : parce que la pratique rend parfait

On n’a pas idée, parfois, à quel point s’entraîner peut tout changer. Je suis tombée par hasard sur un atelier « NegoTraining » il y a quelques années, un dispositif lancé par Audencia et décliné avec l’Apec. Le principe ? Des mises en situation, des jeux de rôle, des simulations d’entretien. J’ai vu des femmes, timides au départ, se transformer en négociatrices affûtées en l’espace de deux heures. La pratique libère la parole et ancre la confiance.

Vous n’avez pas besoin d’un atelier formel pour ça. Trouvez un ami, un membre de votre famille, et faites des répétitions. Jouez le rôle du recruteur qui oppose des objections, puis inversez les rôles. Enregistrez-vous (oui, c’est bizarre au début, mais tellement efficace !). Écoutez votre ton, votre débit, vos tics de langage. Travaillez votre « pitch » – cette présentation express de votre valeur, comme un voyage en ascenseur. Voici un petit exercice que j’aime bien :

  • Prenez 30 secondes chrono pour vous présenter et résumer votre principal atout.
  • Puis 1 minute pour argumenter sur une de vos réussites.
  • Enfin, 15 secondes pour formuler votre demande salariale.

Cet entraînement, c’est un peu comme se préparer pour un spectacle. Plus vous répétez, plus le jour J, les mots viennent naturellement, sans cette affreuse sensation de devoir réciter un texte appris par cœur. La préparation mentale est tout aussi cruciale que la préparation technique. J’en avais parlé dans mon article sur cette approche de la confiance en soi qui divise les psys : c’est en action que la confiance se construit.

N’hésitez pas non plus à utiliser les outils en ligne. Certains sites comme Monster ou Cadremploi proposent des conseils, et l’intelligence artificielle peut maintenant simuler des entretiens. L’important est de vous confronter à la situation avant qu’elle ne compte vraiment. Ainsi, le stress diminuera, remplacé par une légitime assurance.

Les erreurs à éviter absolument (celles qui grille votre crédibilité)

Maintenant, parlons des pièges. Parce que oui, il y a des façons de faire qui, avec les meilleures intentions du monde, peuvent vous desservir. J’en ai fait certaines, je les ai vues faire… Apprenons des erreurs des autres, c’est toujours ça de gagné.

La première, et peut-être la plus courante, est de se comparer à ses collègues. « Untel gagne ça, donc moi aussi. » Mauvaise idée. D’une part, vous n’avez pas toutes les informations sur leur profil exact. D’autre part, cela peut être perçu comme immature ou conflictuel. Votre argumentation doit reposer sur votre valeur unique, pas sur une comparaison externe.

Deuxième erreur fatale : menacer de partir si vous n’obtenez pas satisfaction, à moins que vous soyez vraiment prêt.e à le faire. C’est un ultimatum qui brûle les ponts. Même si vous obtenez gain de cause, la relation de confiance sera entachée. La négociation est un partenariat, pas un rapport de force.

Ensuite, il y a l’erreur de la précipitation. Accepter la première offre sans discuter, par peur de perdre l’opportunité ou par gêne. Soufflez. Prenez 24 ou 48 heures pour réfléchir. « Merci beaucoup pour cette offre que je trouve très intéressante. Puis-je prendre un délai de réflexion jusqu’à demain pour vous donner une réponse définitive ? » Cette simple phrase vous replace dans une position d’égalité.

Enfin, dernier écueil : négocier uniquement sur les besoins personnels. « J’ai un crédit à rembourser, mon loyer a augmenté… » Si ces raisons sont compréhensibles, elles ne concernent pas l’employeur. Recentrez toujours le débat sur ce que vous apportez à l’entreprise. C’est le seul langage qui soit universel dans le monde professionnel. Éviter ces pièges, c’est aussi éviter de faire partie de celles qui regrettent plus tard, comme je le racontais à propos de mes erreurs d’argent qui m’ont coûté 10 000€.

Erreur à éviter Pourquoi c’est une mauvaise idée Que faire à la place
Parler de ses problèmes perso Hors-sujet pour l’employeur Se concentrer sur sa valeur ajoutée professionnelle
Donner un ultimatum Détruit la relation de confiance Ouvrir une discussion collaborative
Accepter trop vite Donne une image de faiblesse Prendre un délai de réflexion
Se comparer aux autres Perçu comme immature Argumenter sur son propre mérite

Le mot de la fin (qui n’en est pas une)

Alors voilà. Négocier son salaire, ce n’est finalement pas une question de technique pure. C’est un acte de foi en sa propre valeur. C’est un dialogue qui commence par un travail sur soi : se reconnaître des compétences, des réussites, et accepter de les monnayer, au sens noble du terme. Ces 500 euros mensuels que j’ai gagnés avec une simple phrase, ce n’est pas juste de l’argent. C’est la reconnaissance concrète que mon travail valait plus. C’est une forme de respect.

Je vous encourage à essayer. À préparer votre tableau, à répéter votre phrase devant votre miroir, à vous entraîner avec un ami. Le pire qui puisse arriver, c’est un « non ». Et un « non », ça se discute, ça se contourne, ou ça se reporte. Mais un « oui » que l’on n’a pas osé demander, ça, c’est une occasion perdue. Une occasion qui, sur une carrière entière, peut représenter des dizaines de milliers d’euros, comme le montrent si cruellement les statistiques sur les inégalités.

Et vous, quelle est votre plus grande peur quand il s’agit de parler argent avec votre employeur ? Avez-vous déjà tenté une négociation, avec succès ou non ? Racontez-moi ça en commentaire, ces histoires nous apprennent toujours beaucoup les unes aux autres.